soutenance du projet de diplôme devant le public / texte intégral
vendredi 05 décembre 2014
Qu’en est-il du monde industriel
aujourd’hui ? Le projet
interroge la crise que vivent les espaces industriels. Dans les médias, on ne
cesse de lire et d’entendre : « Les fermetures d’usines ne ralentissent
pas », « La délocalisation rend les entreprises du secondaire
fragiles », etc. Nous avons tous le même imaginaire autour de l’usine : une boîte métallique, en
périphérie des villes au sein de laquelle sont fabriqués des objets. Chacun a
plus ou moins conscience du « Comment sont faits les objets que je
consomme ? », avec plus ou moins de distance, plus ou
moins de naïveté. Cette boîte métallique renferme un monde particulier, un peu à
part, celui de la PRODUCTION. L’usine accueille un corps ouvrier, humain et muable. C’est ce
paradoxe qui m’a intéressé dans ma recherche. Il s’agit de questionner le RAPPORT ENTRE : le corps
ouvrier, sensible, et le corps bâti, organisé pour la production. Dans ce grand
espace englobant dédié au produit, je m’attarde sur l’HUMAIN.
Comment l’homme s’inscrit-il dans
un
environnement qui n’est pas à son échelle ? Comment amener du
confort à celui qui travaille dans un lieu qui ne lui est pas dédié ? Ces questions m’amènent à
analyser les micros espaces et les
micros temps qui sont
ceux de l’homme, au sein de l’usine. C’est ce que je nomme la NON PRODUCTIVITE. QU’EST CE
QUE LA NON PRODUCTION dans une entreprise qui ne s’arrête jamais de
produire ? Y’a-t-il DE LA PLACE ET DU TEMPS pour la non production ?
Cette dernière existe déjà mais dans des espaces informels, ingrats. Ils sont
là par défaut car ils sont nécessaires à l’homme (prendre sa pause, se changer,
échanger, …) mais sont souvent déconsidérés parce que peu quantifiables en
terme de bénéfice.
L’intérêt pour cet aspect social de l’usine est né
d’une expérience personnelle. Je travaille dans une usine chaque été, depuis 5
ans. J’ai donc eu un positionnement double : celui de l’ouvrière qui
pratique et vit l’espace puis celui du concepteur qui observe et analyse de
manière plus objective. L’expérience en tant qu’ouvrière a permis de faire des
constats, d’écrire un journal pour garder en mémoire l’espace vécu.
Puis je retourne à l’usine en prenant la posture du concepteur et je tente de comprendre
l’usine de manière plus objective. Afin de dégager des problèmes et
de voir si mes constats vécus sont partagés, je décide de mettre en place UNE MAQUETTE PARTICIPATIVE. La
maquette propose l’existant, en blanc, puis je laisse à disposition des cubes
de couleurs correspondantes à des fonctions précises (espaces de vie, bureaux, seuils,
espace de production). On vient petit à petit coloniser l’usine
avec ces nouvelles unités pour la transformer, l’améliorer.
Tout ceci fait naître une
réflexion sur la notion d’unités, de module
à ajouter à l’espace existant. Les espaces non productifs seraient alors
des
seuils, des sas, des espaces tampons que l’on viendrait ajouter à l’usine pour MIEUX
CONNECTER les espaces entre eux. Je choisis naturellement de
réfléchir à partir du site dans lequel j’ai travaillé. L’exemple est
idéal : une usine agro-alimentaire où l’on transforme des cacahuètes. Le
site de Production la Prade est aussi complexe et riche car il regroupe toutes
les fonctions sous une même boîte : bureaux, accueil, production,
stockage, laboratoire. L’usine possède ainsi une complexité sociale,
spatiale et fonctionnelle qu’il faut optimiser de manière globale :
qualité de vie et qualité de production. A Mazamet, dans le Sud de la
France, c’est le travail du TERRAIN,
du DIALOGUE avec les usagers
du site. A Nantes, en atelier, c’est le moment de la CONCEPTION. La distance me permet de prendre du recul et de
proposer un projet qui pourra s’adapter
sur d’autres sites, dans d’autres usines.
Aussi, sur ce site plusieurs espaces non productifs ont été ajoutés ou modifiés afin de mieux utiliser les espaces. La grande entrée accueille. Elle est large et transparente afin de laisser passer tout le monde et de créer une porosité avec l’extérieur. Elle est le premier palier vers le monde du travail, rompant avec la ville et la vie personnelle. Les espaces non productifs sont des zones de transition, des entre deux, qu’il s’agisse de véritables portes ou bien de pièces comme peuvent l’être le vestiaire ou la salle de pause. Il s’agit donc de donner forme et qualités à des espaces et des temps informels. Au fur et à mesure de mes recherches, j’en viens à la question de l’isolation. L’usine est un endroit bruyant, immense où l’homme ne se sent pas à sa place. L’isolation, à l’usine, c’est la volonté de redonner place à une échelle plus humaine dans un espace au service de la production.Le terme d’isolation est à comprendre de deux manières. D’une part elle est SPATIALE, avec un traitement de l’acoustique, du visuel et du confort thermique. D’autre part, l’isolation est aussi l’ISOLEMENT de celui qui travaille. L’ouvrier est dans le besoin d’être seul mais aussi d’exister au sein de la communauté de travail. Utiliser des matières isolantes et traiter l’isolation dans l’usine permet de mettre en valeur la dimension sociale dans l’usine. Quand l’espace est-il partagé par l’équipe ? Dans quels espaces est-il préférable de se sentir isolé ? La salle de pause, par exemple, rassemble alors que le casier du vestiaire est l’espace restreint qui appartient à chacun.
L’espace d’entrée distribue ensuite les trajets selon les différents usagers. Au rez-de-chaussée ; les bureaux sont transparents afin d’ouvrir les espaces. Ils sont isolés acoustiquement mais laisse une grande liberté visuelle qui contribue à la communication entre administratifs.
Aussi, sur ce site plusieurs espaces non productifs ont été ajoutés ou modifiés afin de mieux utiliser les espaces. La grande entrée accueille. Elle est large et transparente afin de laisser passer tout le monde et de créer une porosité avec l’extérieur. Elle est le premier palier vers le monde du travail, rompant avec la ville et la vie personnelle. Les espaces non productifs sont des zones de transition, des entre deux, qu’il s’agisse de véritables portes ou bien de pièces comme peuvent l’être le vestiaire ou la salle de pause. Il s’agit donc de donner forme et qualités à des espaces et des temps informels. Au fur et à mesure de mes recherches, j’en viens à la question de l’isolation. L’usine est un endroit bruyant, immense où l’homme ne se sent pas à sa place. L’isolation, à l’usine, c’est la volonté de redonner place à une échelle plus humaine dans un espace au service de la production.Le terme d’isolation est à comprendre de deux manières. D’une part elle est SPATIALE, avec un traitement de l’acoustique, du visuel et du confort thermique. D’autre part, l’isolation est aussi l’ISOLEMENT de celui qui travaille. L’ouvrier est dans le besoin d’être seul mais aussi d’exister au sein de la communauté de travail. Utiliser des matières isolantes et traiter l’isolation dans l’usine permet de mettre en valeur la dimension sociale dans l’usine. Quand l’espace est-il partagé par l’équipe ? Dans quels espaces est-il préférable de se sentir isolé ? La salle de pause, par exemple, rassemble alors que le casier du vestiaire est l’espace restreint qui appartient à chacun.
L’espace d’entrée distribue ensuite les trajets selon les différents usagers. Au rez-de-chaussée ; les bureaux sont transparents afin d’ouvrir les espaces. Ils sont isolés acoustiquement mais laisse une grande liberté visuelle qui contribue à la communication entre administratifs.
Dans le hall d’accueil, On crée
un sas à double côté qui permet à la fois de partager du matériel et des
informations entre les bureaux. Et de L’autre côté du sas offre une zone d’attente, une alcôve qui accueille le visiteur
ou le client. Cette alcôve transcrit dès l’entrée cette notion d’isolation
et de confort. Le matériau isolant est laissé à vu. Il n’est plus
dans le mur mais est utilisé comme PAREMENT.
Le matériau est complètement révélé. Cette envie d’utiliser les qualités
plastiques du matériau telles qu’il les propose renvoie à un souci de vérité.
Puisqu’on vient ici amener du confort et parler d’espaces qui vivent, qui sont
ceux de l’homme, de ce lui qui travaille, alors on les utilise de manière authentique
et vraie. Il s’agit de trouver une nuance entre des qualités
purement utiles (l’acoustique, les transparences, l’isolation thermique) et une
esthétique à travailler dans l’espace. En continuant le parcours dans
l’usine, on emprunte désormais le chemin de l’ouvrier. Un sas feutré marque une
rupture entre le hall dédié à tous et l’entrée dans le vestiaire ; plus
privatisé, plus intime. Ce sas est étroit, et distribue les entrées des deux
vestiaires et la continuité vers la salle de production. Les vestiaires sont travaillés de
manière à créer un rythme entre casiers et assises pour apporter de la
modulation et de l’INTIMITE.
La forme courbes des assises et leur enfoncement dans le mur adoucit la rigueur
des alignements des casiers. Le vestiaire devient un lieu silencieux avec des
cadres de feutres à l’intérieur des portes de casiers et des tissus acoustiques
sur les assises. On crée ainsi un espace qui s’offre à des discussions
privées, des chuchotements avant le travail. L’ouvrier traverse ensuite un
couloir on l’on aura travaillé l’insonorisation. Ce couloir met
en mouvement et accompagne l’ouvrier vers la zone de production. Il
est étroit à la sortie du sas, il s’élargit ensuite, à nouveau étroit, il bifurque.
En fait, il s’adapte à des déambulations dans l’usine : croiser quelqu’un,
se rendre seul à la zone de production, s’arrêter pour échanger un mot… Tous
ces mouvements sont matérialisés par des murs irréguliers constitués de
panneaux rétro éclairés. La lumière diffusée par ces panneaux est importante
car elle met en condition de travail. Selon l’heure de la journée LA TEMPERATURE de la lumière
change. En effet, on n’a pas envie d’une même AMBIANCE LUMINEUSE selon que l’on arrive à 5h du matin, 13h ou
encore 21h. L’accompagnement jusqu’au poste de travail se termine par un dernier seuil, plus
large et plus fonctionnel. Il est la dernière étape avant d’aller
travailler. Il est un espace technique dans lequel il faut se laver les
mains, arranger sa blouse, mettre sa charlotte, porter son matériel. Cet espace
laisse entendre en partie les sons de la zone de production, les bruits des
machines. L’usager est alors déjà un peu immergé dans l’atmosphère acoustique
de la zone de production.
Dans la non productivité, on a
aussi bien sûr l’espace de pause. C’est l’espace non productif par excellence.
Il ne suit pas la linéarité que l‘on avait jusqu’à présent. En effet, la pause
est un moment de hors production, hors du temps de travail pour accorder un répit dont le corps a besoin.
Les pauses sont restreintes. Aussi, la salle de pause se trouve proche de la
zone de production afin de profiter au maximum de ce repos nécessaire. La salle
de pause est l’endroit partagé par tous. C’est la maison dans laquelle on ne
peut pas être. Elle S’EXTRAIE
de la boîte métallique, elle prend la forme archétypale de la maisonnette. On
retrouve une échelle humaine, l’espace où l’homme est chez lui. Ici encore, la matière isolante et l’ossature de l’extension sont laissées apparents.
La qualité naturelle et authentique de ces matériaux ainsi que les rythmes
créés par l’ossature bois donne l’impression d’une cabane. La façade vitrée
ouvre la salle de pause sur un espace vert qui invite à manger dehors ou à
partager une cigarette avec un collègue. L’esthétique de cette extension
permet de lire une identité nouvelle et différente depuis les façades. Dès
l’extérieur, on lit que cette usine propose autre chose, une autre manière de
travailler dans les espaces industriels en montrant un fort contraste entre la
boîte de métal et la maison en bois.
Le projet propose d’adopter des greffes au sein
des usines, qu’il s’agisse de sas, de seuils ou encore d’extensions. Il s’agit
d’une COLLECTION D’ESPACES.
Selon le type de production et la grandeur de l’entreprise, ses besoins, il y a
possibilité d’implanter tel ou tel espace non productif qui participera à un PRODUIRE AUTREMENT. Ces espaces
ajoutés sont des rotules qui valorisent le confort au travail et invite,
sinon à produire mieux, à mieux vivre les espaces industriels. L’ambition de ce projet rejoint
l’idée de Simone Weil, qui a nourri toute ma démarche et qui défend la
possibilité de créer des usines d’où sortent « autant de
produits bien faits que de travailleurs heureux ».
magali CHADUIRON
enseignante DSAA2